Pour limiter la multiplication
des liquidations judiciaires : une procédure de sauvetage participatif
Publié le 04/09/2020 -
mis à jour le 07/09/2020 à 10H09
Philippe Peyramaure
avocat au barreau de Paris
Antoine Diesbecq
avocat au barreau de
Paris
Avec la crise sévère
qui nous est annoncée, nous pouvons craindre une multiplication des
« faillites ». Les pouvoirs publics et les différents opérateurs
étudient les meilleurs moyens de les éviter, ce qui est de bonne méthode.
Malheureusement, si la
gravité de la situation est celle que les projections laissent craindre, nombre
d’entreprises seront dans l’obligation de procéder à la déclaration de
cessation de leurs paiements. À partir de là, nous savons qu’un grand nombre de
petites entreprises ne peuvent lever de capitaux, ne trouvent ni solution de
continuité, ni repreneurs satisfaisants, alors même qu’elles sont viables et
n’entrent pas dans la catégorie de celles dont l’élimination est
malheureusement inéluctable.
L’accumulation
actuelle de leurs dettes va amplifier le phénomène, et la seule solution
aujourd’hui disponible est la liquidation avec ses conséquences :
suppression d’emplois, appauvrissement des créanciers par l’irrécouvrabilité de
leurs créances tant privilégiées que chirographaires, disparition de
savoir-faire et étiolement d’un tissu économique déjà très abîmé…
Il convient dès lors
de créer un nouvel outil juridique adapté à cette situation : le sauvetage
participatif.
Nous savons
qu’actuellement le recours aux concours participatifs est l’une des voies
envisagées pour sauvegarder les entreprises en renforçant leurs fonds propres.
Mais lorsque celles-ci seront dans les liens d’une procédure collective, la
plupart d’entre elles auront le plus grand mal à lever des fonds pour éviter la
liquidation.
La solution peut donc
résider dans l’utilisation à cet effet des créances irrécouvrables sur les
sociétés qui ne trouveront pas de solution de continuation ou de cession
acceptées par les tribunaux.
Il peut, sans un
travail législatif trop lourd, être créé au sein des dispositifs actuels, une
procédure exceptionnelle consistant à transformer, par décision judiciaire, ces
créances irrécouvrables en titres participatifs, éventuellement de rangs
différents selon qu’ils représenteront des créances privilégiées ou
chirographaires. Sur la base d’un plan présenté par le dirigeant, après l’avis
du parquet, le débiteur pourra ainsi bénéficier de fonds propres conséquents.
La technique des
titres participatifs (TSDI ou autres), se réfère à des notions bien connues.
Cela peut être utilement adapté pour les entreprises qui n’exercent pas sous la
forme sociétale.
Ces titres pourraient
être amortis sur le fondement d’un retour à meilleure fortune, en utilisant
leur excess cash-flowà partir d’un délai de moyen terme, selon le
rang des créances. Une solution spécifique concernera les créances garanties
par des sûretés réelles en suspendant temporairement, sauf en cas de
réalisation du bien, la possibilité pour le créancier d’utiliser les voies
d’exécution à sa disposition.
Des dispositions
particulières pourront être intégrées dans le plan ou dans le jugement
d’homologation pour permettre la conversion en capital des titres
participatifs, la transformation des sociétés de droit commun en SAPO, mais
aussi la cession du capital ou le remplacement des dirigeants dans les conditions
actuellement en vigueur.
Les créances
converties en titres participatifs seront, pour les créanciers, immédiatement
déductibles de leurs résultats imposables. Une telle procédure ne coûte en
réalité rien au Trésor public puisqu’en cas de liquidation ces mêmes sommes
auraient été déductibles. En ce qui concerne les créances de l’État, le taux de
recouvrement extrêmement faible dans les liquidations actuelles ne justifie pas
le rejet de cette approche. Au contraire, il devrait y trouver son compte par le
maintien en vie de contribuables employeurs et de cotisants dont nous aurons
tant besoin.
Cette procédure ne
bouleverse pas le droit actuel des entreprises en difficulté, elle peut y être
facilement et rapidement intégrée à titre provisoire dans le cadre des mesures
d’urgence actuellement à l’étude.
Il est important de compléter la « boîte à outils » du droit des
entreprises en difficulté par des moyens de faire face à un endettement
exceptionnel, venu s’ajouter à l’endettement ordinaire de nombre d’entreprises
qui ne sauront résoudre ce problème sans mesures adaptées.
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